Le « décret juge de paix » est en vigueur depuis le 1er janvier 2023. Ce nouveau décret vient modifier en profondeur la procédure applicable en cas de défaut de paiement des factures d’électricité ou de gaz en Région wallonne. Le juge de paix occupe aujourd’hui une place importante dans la procédure de recouvrement d’une dette en matière d’énergie. Il est dorénavant le seul à pouvoir décider d’une coupure ou à pouvoir imposer le placement d’un compteur à budget ou l’activation de la fonction prépaiement. Il s’agit là d’une véritable révolution car jusque-là, une coupure pouvait avoir lieu sur seule décision du fournisseur, et ce, même si la dette réclamée par le fournisseur était contestable et/ou contestée.
Ce décret vient encadrer la coupure, le placement du compteur à budget ou l’activation de la fonction prépaiement, et la négociation d’un plan de paiement raisonnable, dans le cadre de la procédure de recouvrement d’une dette par un fournisseur. Il s’agit d’une procédure spécifique avec des étapes réglementées. Nous allons reprendre les différentes étapes de la procédure de recouvrement ci-dessous.
À partir de quand la nouvelle procédure est-elle appliquée ?
La nouvelle procédure s’applique aux dettes des clients résidentiels (donc non-professionnels pour lesquelles le premier rappel de paiement a été envoyé après le 31 décembre 2022.
Pour les clients ayant reçu une lettre de rappel, une mise en demeure, ou une déclaration en défaut de paiement avant le 1er janvier 2023, l’ancienne procédure de défaut de paiement est toujours d’application, mais avec une exception très importante : A partir du 1er janvier 2023, quelle que soit la date à laquelle est reçu le premier rappel, seul le juge de paix peut décider d’une coupure ou imposer le prépaiement à un consommateur qui l’a refusé.
Comment se passe la nouvelle procédure ?
Le rappel
Si le client n’a pas payé une facture à la date d’échéance de paiement prévue, c’est-à-dire au minimum 15 jours après son émission, le fournisseur peut envoyer un rappel.
Le fournisseur doit désormais rappeler les montants réclamés et les factures dont ils proviennent.
Le rappel laisse un nouveau délai de minimum 10 jours au client pour régulariser la situation.
La mise en demeure
Au terme de ce délai de 10 jours minimum, le fournisseur envoie une mise en demeure lorsque :
- le montant de la dette s’élève au moins à 100 euros pour une énergie (électricité ou gaz) ou à 200 euros pour des factures combinées (électricité et gaz) ;
- et à l’échéance du rappel, le client n’a pas soit :
- payé sa dette,
- conclu un plan de paiement,
- ou informé le fournisseur, sur base d'une attestation du centre public d'action sociale ou du service de médiation de dettes agréé, des négociations entreprises pour conclure un plan de paiement raisonnable.
Cette lettre de mise en demeure doit être envoyée par courrier recommandé et par courrier simple, et comporter une explication de la suite de la procédure. Un formulaire est annexé à la mise en demeure.
Le formulaire
Ce formulaire permet au client de choisir entre différentes options pour régler sa dette :
- Demander la conclusion d’un plan de paiement et, le client peut éventuellement en proposer un (le montant et les échéances de celui-ci) ;
- Demander l’activation de la fonction de prépaiement ou l’installation d’un compteur à budget ;
- Demander l’aide du CPAS ;
- Demander l’intervention du Service régional de médiation pour l’énergie (SRME) ;
- Demander le lancement d’une procédure de médiation de dettes ;
- Demander la saisine d’un juge de paix par requête conjointe (c’est-à-dire demander l’intervention d’un juge de paix).
En fonction de l’option choisie, le client obtiendra :
- soit une suspension temporaire automatique de la procédure de défaut de paiement (s’il choisit le plan de paiement, la requête conjointe, ou le prépaiement),
- soit une suspension uniquement si le service auquel il a fait appel le demande au fournisseur (s’il choisit l’aide du CPAS, l’intervention du SRME, ou la médiation de dette).
En cas d'échec de l’option choisie, la procédure reprendra au stade où elle avait été suspendue. Mais attention, si le client a demandé que le juge de paix soit saisi du conflit par requête conjointe et que le fournisseur a refusé, le fournisseur ne pourra plus demander l’activation du prépaiement (ou le compteur à budget) pour la dette objet du conflit.
Il est possible de choisir plusieurs options dans le formulaire.
La procédure en défaut de paiement
Le client sera déclaré en défaut de paiement si, après les 15 jours qui suivent la réception de la mise en demeure, il n’a pas soit :
- Payé le montant de la facture ;
- Demandé l’activation de la fonction de prépaiement ;
- Conclu un plan de paiement raisonnable ;
- Demandé au fournisseur la saisine du juge de paix par requête conjointe ;
Et que :
- La procédure n’a pas été temporairement suspendue grâce à une des options choisies dans le formulaire reçu avec la mise en demeure.
Le courrier de déclaration en défaut de paiement doit également être accompagné d’un formulaire identique à celui envoyé avec la mise en demeure, laissant à nouveau la possibilité de choisir entre les mêmes options pour régulariser la situation.
30 jours après la déclaration est défaut de paiement du client, si aucune solution n’a pu être mise en œuvre, le fournisseur peut soit demander le placement d’un compteur à budget ou l’activation de la fonction de prépaiement, soit saisir le juge de paix pour demander la résiliation du contrat, le paiement de la dette, et l’activation du prépaiement.
Le client peut toujours mettre un terme à la procédure de défaut de paiement en payant entièrement le montant réclamé par le fournisseur. La procédure de défaut de paiement est suspendue à tout moment dès qu’un plan de paiement est conclu (et tant qu’il est respecté) entre le client et le fournisseur. Les différentes options choisies dans le formulaire peuvent également suspendre la procédure de défaut de paiement comme expliqué plus haut. La suspension empêche l’activation du prépaiement ou le placement du compteur à budget s’ils n’ont pas encore eu lieu, sauf si l’option choisi dans le formulaire est précisément de demander le prépaiement (ou compteur à budget).
Une précision importante : depuis le 1er janvier 2023 le fournisseur peut uniquement demander et non plus imposer le placement d’un compteur à budget ou l’activation de la fonction prépaiement. Dès lors, le client conserve le droit de s’y opposer tout au long de la procédure de recouvrement.
La nouvelle procédure prévoit des spécificités importantes pour les clients protégés. Elles ne sont pas abordées dans cet article. Pour les clients protégés, vous pouvez consulter notre fiche : lien vers l’article.
Le placement du compteur à budget ou l'activation de la fonction prépaiement
Lorsque le fournisseur demande l’activation du mode de prépaiement ou le placement d’un compteur à budget, il y a deux possibilités :
- Le client accepte l’installation du compteur à budget ou l’activation du mode de prépaiement : le prépaiement est activé (ou le compteur à budget est placé), et la procédure s’arrête là.
- Le client refuse ou empêche l’installation du compteur à budget ou l’activation du prépaiement. Dans ce cas, le fournisseur ne peut pas imposer unilatéralement le prépaiement ou le compteur à budget, mais il peut choisir de s’adresser au juge de paix pour demander la résiliation du contrat, le prépaiement, et le paiement de la dette.
La demande de résiliation devant le juge de paix
Il s’agit de la situation où le fournisseur saisit le juge de paix pour la résiliation du contrat car aucune autre solution n’a été trouvée à l’échéance de la procédure de défaut de paiement.
Le fournisseur peut demander la résiliation du contrat devant le Juge de paix si le consommateur ne réagit pas dans les 30 jours après la déclaration en défaut de paiement. Il peut aussi demander la résiliation en cas d’échec de la pose du compteur à budget ou de l’activation de la fonction de prépaiement.
La résiliation du contrat
Si le juge accepte la demande de résiliation du contrat, le fournisseur en informe le gestionnaire de réseau et le client. Il doit préciser au client le délai dans lequel il doit choisir un nouveau fournisseur pour éviter la coupure d’énergie. Cette information est jointe à la signification du jugement.
Selon notre interprétation de la nouvelle règlementation, le client dispose d'un délai d'un mois pour prendre un nouveau contrat à partir du moment où lui et le gestionnaire de réseau sont informé de la résiliation du contrat par le fournisseur, avant qu'une coupure ne soit possible. Mais attention, ce délai d'un mois s'applique uniquement s'il n'est pas en contradiction avec la décision du juge de paix.
Aucune coupure suite à une résiliation de contrat n’est possible pendant la période hivernale qui s’étend du 1er novembre et le 31 mars. Le Gouvernement peut moduler cette période en fonction des conditions climatiques.
Des articles complémentaires à celui-ci, qui propose un résumé de la réforme pour les clients non-protégés, seront publiés dans les prochaines semaines. Notamment, nous publierons un article concernant les clients protégés en défaut de paiement, et un article détaillant les solutions que le client peut choisir dans le formulaire, et leurs effets sur la procédure en défaut de paiement.